L’inconnu de Mer frappée
Robert Lodimus

Chapitre VI
LE RAPPEL À L’ORDRE
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« Je n’ose plus regarder
Ce spectacle déchirant
Des bras fatigués
Qui tendent
Vers un ciel de plus en plus avare
Des yeux qui n’ont plus de larmes
Pour évacuer
Les souffrances de la misère
Des corps qui n’ont plus de jambes
Pour échapper
Aux flammes des calamités
Des poignets qui n’ont plus de mains
Pour s’agripper
Aux branches de l’espoir »
(Robert Lodimus, extrait de Vers L’aube de la Libération, poésie)
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Durant un long moment, mes pensées vagabondaient dans un couloir de souvenirs cauchemardesques. Et comment pouvait-il en être autrement au pays de l’hypertrophie de la phobie collective et de la mort violente ? Je me rappelle ce matin pluvieux où Clément, un membre proche de la famille, annonçait à mes parents qu’il avait décidé de s’expatrier à New York. Depuis la disparition de son frère aîné Ricot, enlevé de son foyer en pleine nuit à Port-au-Prince, celui-ci craignait pour la sécurité de son épouse, pour celle de ses enfants et pour la sienne. Émilio lui demandait s’il avait bien pris le temps de réfléchir. Il acquiesçait sans ajouter un mot. Lorsque je pense à Clément, sa femme Victoria et leurs trois enfants, Pauris, Alexandre et Clémenta, les larmes me montent aux yeux. Clément avait réservé la traversée pour les Bahamas à bord d’un bateau de marchandises qui avait appareillé de Nassau, et qui s’était approvisionné en denrées alimentaires produites dans la vallée des Gonaïves. Avant d’atteindre le port de la capitale bahamienne, le capitaine et quelques membres de son équipage avaient froidement convenu de jeter les passagers clandestins par-dessus bord, afin de ne pas encourir des pénalités douanières pour transport illicite ou trafic d’êtres humains. Les voyageurs irréguliers étaient au nombre de vingt-neuf, celui qui – en numérologie – symbolise « la fin, la mort et le dénouement ». C’est un matelot qui l’avait dévoilé à Claudinette, la sœur de Victoria, qui était venue les recueillir sur le Prince George Wharf de Nassau. Claudinette les aurait hébergés jusqu’à ce qu’ils eussent trouvé les moyens de poursuivre l’odyssée scabreux vers la mégapole bouillante dominée par la «Statue de la Liberté ». Les progénitures de Victoria et de Clément venaient souvent marquer une pause à la maison. Ils habitaient à la rue Saint-Charles, en face de l’église baptiste Beraca, pas loin de notre quartier résidentiel. Parfois, Éliane et Émilio nous emmenaient aussi passer du temps chez eux. Ce matin du mois d’avril, où Clément a rencontré mon père et ma mère pour la dernière fois, ne s’est jamais effacé de ma mémoire. Le visage long et les mines renfrognées, l’homme déroulait au fur et à mesure ses regrets de laisser ses amis, son pays, sa ville, sa maison, pour aller recommencer sa vie quelque part en Amérique du Nord, dans l’incertitude, la nostalgie, le chagrin, l’isolement et l’humiliation. Après son départ, sérieusement préoccupé par la nouvelle inattendue, Émilio, à l’instar d’une pythonisse, questionnait l’avenir : « Ciel ! en serons-nous arrivés, nous aussi, à prendre une décision pareille ? » Il interrogeait son avenir et le nôtre…
N’est-ce pas parce que demain nous échappe que nous lui courons toujours après ? En fait, c’est cela un mystère. Et c’est ce mystère qui rend le quotidien des êtres supportable. Supporter le « pire » en espérant le « mieux », afin de remplir le « contrat » rigide de l’existence humaine! Une fois franchies les portes du néant, l’individu a donc gagné son pari de « naître, vivre et mourir ». « Un cadavre : produit fini dont nous sommes la matière », écrit Ambrose Bierce.
Je méditais moi-même :
« Ces visages ternes et peureux
Où sont plantés des yeux
Toujours embués de tristesse
Et, peut-être, que jamais
Je ne reverrai dans ma rue
Sanglée sous son manteau de folie.
Certains, comme Alphonse et Jacqueline,
Sont morts au décours de la lune,
Happés par les crocs redoutables
Des vagues sauvages et cannibales
De la mer rebelle et indomptable.
D’autres sont partis à l’avant-jour.
Ils ont gommé la route du retour
Sur l’ardoise de leurs vieux jours.
Renan, Jean-René et Féquière
Ont offert leur dépouille et leur bière,
Que dis-je, toute leur âme,
Et même leurs larmes
À une terre étrangère.
« Hé, camarade, où tu vas ?
Écoute, ne pars pas !
Reste dans ta pauvre hutte
Et mène ta juste lutte !
Car là-bas, je te le dis,
Est encore ici…
Le « Mal » est vilain ;
Mais ne dure qu’un matin. »
La souffrance chagrine a entrepris de ramoner les cheminées de ma colère. J’ai toujours pensé que les flammes de ma révolte s’élèveront une nuit jusqu’au faîtage du monde. Et que La fumée du combat des « oppressés » contre les «oppresseurs » finira par grisailler tous les « palais » qui brillent d’or et de blancheur dans la rudesse vespérale de l’injustice sociale. La « tunique de Nessus » a causé trop de malheurs au milieu de mon peuple.
La voix insistante de mon père me ramenait sur terre.
– Mon fils, vous devez vraiment veiller sur vous. Et surtout, ne prenez pas l’habitude de partager vos opinions avec des inconnus. En prison, j’ai rencontré un gosse à peu près de votre âge. Disons, un peu plus vieux que vous… C’est au père qu’ils en voulaient, mais celui-ci a eu le temps, paraît-il, de se réfugier à l’ambassade de France. Alors, ils ont arrêté, torturé, incarcéré la mère, la grand- mère, le frère et la sœur aînée.
– Ils gardent des enfants en prison ? Mais c’est injuste…
– Le petit m’a raconté qu’il n’avait aucune nouvelle de ses parents. Le père est sorti de son refuge et s’est rendu aux autorités dans l’espoir d’obtenir en échange la libération de ses proches.
– Et puis ?
– Et puis… rien du tout ! Il a été épinglé, conduit dans un lieu secret… Depuis, il a disparu sans laisser de traces. À part le garçon dont je vous parle, qu’ils ont transféré à la caserne des Gonaïves, on ne sait pas pour quelle raison, et le reste de la famille est comme volatilisé.
– Et lui, qu’est-ce qu’il va devenir ?
– Dieu seul peut répondre à votre question, fiston. Pour ma part, je doute fort qu’il puisse se tirer d’affaire. Il faudrait un miracle…
– Mais, ai-je insisté, ce n’est qu’un enfant !
Ma mère continuait à dandiner dans le fauteuil, sans prendre part à la conversation. Elle écoutait silencieusement et fronçait les sourcils pour marquer son étonnement.
– Et puis ce n’est pas la première fois que ça arrive.
– Ah ! non…
– Dans la Grand’ Anse, à Jérémie, ils ont éventré des bébés dans les bras de leurs mères, des fillettes et des garçonnets à coups de baïonnettes. Tu avais trois ou quatre ans lorsque ce drame est survenu… Les sales brutes ont assassiné des citoyens paisibles, honnêtes et respectueux. Ils les ont dépecés comme s’ils étaient des animaux sauvages. Ils ont détruit des familles entières. Ce triste événement avait secoué tout le pays. Le ciel, la terre, les rivières et la mer étaient rouges de sang. La ville de Jérémie est restée jusqu’à présent un lieu de douleur, de souffrance et de martyre. La cruauté des hommes, dans le chef lieu de la Grand’ Anse, avait atteint un sommet vertigineux. Ce fut la terreur, peut-on dire, à son comble. Je vous raconterai tout ça un autre jour. Mais pour le moment, promettez moi de ne rien répéter à personne, rien de tout ce que je viens de vous révéler…
– C’est promis, Pa…
Le bruit d’une bagarre a interrompu notre discussion. Nous nous sommes précipités dehors, mon père et moi. Ma mère ne nous a pas suivis. Les deux belligérants se ruaient de coups. Ils étaient couverts de sang et de sueur. Les enfants et les adultes gesticulaient. Aucun d’entre eux n’intervenait pour arrêter le massacre. Finalement, le plus amoché était conduit à l’hôpital pour être soigné…
Les dernières paroles d’Émilio m’ont ramené plusieurs années en arrière. Il m’arrivait souvent de remonter les courants de mes souvenirs poignants. C’est vrai que les déceptions, les tristesses, les déboires, les adversités ne ralentissent pas la marche du temps. Les heures, les minutes et les secondes de la vie s’épuisent en « l’espace d’un cillement », d’un clignement de l’œil. Les chevaux du temps galopent sur la piste mystérieuse de l’existence à une vitesse incontrôlable, de façon à permettre à chacun d’arriver à l’heure à la frontière où s’achève son destin terrestre. Et là, l’âme s’installerait éternellement dans le néant « paradisé » ou « infernalisé ».
J’aime bien la philosophie de Marc-Aurèle par rapport à la mort :
« Ne méprise pas la mort, mais conçois-en une sorte de contentement, car elle appartient à cet ensemble unique des êtres que la Nature a voulu. Ce que sont la jeunesse, la vieillesse, la croissance, la pleine maturité, l’apparition des dents, de la barbe, des cheveux blancs, la fécondation, la grossesse, l’enfantement et les autres actions naturelles qui suivent le cours de ton existence, telle est aussi la désagrégation de ton être. C’est donc le fait d’un homme réfléchi de ne pas s’emporter contre la mort. »
*****
Debout dans mes chaussures de sept ans, j’attendais l’été avec une impatience goulue. Nous étions déjà rendus au tout début du mois de mai. Le ciel était tout souriant dans sa tunique bleuâtre. Les nuages de la veille n’arrivaient pas à enjamber les herses de la brise printanière qui répandait déjà l’odeur fraîche des vacances estivales. À l’angle des rues Christophe et Lozama, des gamins allaient et venaient avec leur cerceau en caoutchouc. Excités par le temps resplendissant qui régnait comme Alexandre le Grand, ils criaient à gorge déployée et pouffaient de rire. De temps en temps, Antonia, la femme du boulanger – qui n’avait rien à voir avec Aurélie, la créature perverse de Marcel Pagnol – les rappelait à l’ordre :
– Oh, là ! les enfants… Allez jouer un peu plus loin ! Vous faites trop de bruit ! Vous nous cassez les oreilles…
– D’accord, madame Antonia, lâchait l’un d’entre eux!
Les gosses se taisaient, disparaissaient un instant, puis revenaient à la charge, avec plus de vigueur et de nuisance. Leur concert de vacarme assourdissait les passants, effrayait les « madan sara » – à peine rentrés de leur périple migratoire – qui planaient sur les toits de tôle scintillants sous les rayons du soleil. Antonia haussait encore, encore, encore et encore la voix. Mais, c’était peine perdue… Finalement, elle les avait laissés tranquilles. « Après tout, se disait-elle, ces petits anges ont quand même le droit de batifoler… »
Assis à l’ombre des palmiers, j’attendais que le vent changeât de bord pour recommencer à m’amuser avec mon cerf-volant en papiers peints que je venais d’acheter chez Luckner, le fils aîné d’un sous-officier de l’armée que l’on surnommait le Bacchus, le Dionysos ou le Double Rhum de la cité. La chaleur suffoquait le paysage. Les feuilles des arbres restaient figées sans frissonnement sur les branches cadavrées. Les petits bouts de papier qui traînaient çà et là étaient à présent soudés au sol comme des poutres en béton armé. La sueur ruisselait sur mon visage comme l’eau de pluie sur la terre rocailleuse. Soudain, des bruits de pas contrariaient mon attente impatiente. J’ai levé la tête et j’ai vu Sandro, le fils de Mirana le mastodonte, se poster à quelques mètres de moi. Le diablotin bégayait des mots grossiers que mes oreilles n’arrivaient pas à bien capter. Il ricanait comme Fernando Sancho dans les westerns spaghetti. À ma grande surprise, le « petit loubard » s’est penché au sol pour s’emparer de mon cerf-volant qu’il a brisé en plusieurs morceaux. À mes yeux, Sandro avait commis « l’irréparable ». Son crime exigeait réparation ! Je me foutais qu’il était de trois ans plus vieux que moi. L’affront, comme celui fait à Don Diègue, méritait d’être vengé. J’avais sept ans. Et lui, pas loin de dix… Mais, il ne me faisait pas peur. La rage a décuplé mes forces. J’avais les yeux embués de larmes et les joues brûlantes de colère. Ma respiration devenait très courte. « Grenadiers à l’assaut!» J’ai sauté à la gorge du délinquant à la manière d’une panthère affamée qui a découvert une proie. Sandro a perdu l’équilibre et est allé mordre la poussière. Il tentait de se relever, mais j’étais devenu un animal furibond, déchaîné, endiablé. Je me battais – comme Rodrigue – pour mon honneur et ma dignité. J’ai grimpé sur le dos de l’insolent et je l’ai frappé avec mon poing à la nuque. En quelques secondes, je me retrouvais assis sur son ventre, le rouant de coups au visage, à l’estomac… Il essayait de se protéger la tête en se croisant les bras, mais rien ne pouvait arrêter la fureur de ma vengeance… Rien, jusqu’à ce que cette main hystérique et puissante se soit abattue sur mes épaules pour me dégager violemment du fainéant. J’étais à moitié renversé sur la terre dure comme le marbre, et je me tenais appuyé sur mes mains, le sang bouillonnant de rage. J’ai reconnu Mirana, la mère de Sandro, qui s’avançait vers moi, les poings levés. Elle voulait visiblement me frapper. J’ai pincé les paupières pour éviter de croiser le regard foudroyant de la mégère. Mais Isis, la déesse égyptienne, protectrice de la famille et des enfants, veillait à mon secours. Mirana a poussé un grand cri… ! Et j’entendais une autre voix… Une voix jeune et ferme, celle-là :
– Eh, vieille folle ! Qu’est-ce qui te prend ? Tu ne vas pas frapper l’enfant ? J’ai tout vu. C’est ton fils qui est venu le chercher. ET son jouet qu’il a brisé, hein? Tu voulais peut-être qu’il se croise les bras, qu’il pleure comme un hébété? Moi, je dis qu’il a bien fait de lui régler son compte. Après cette bonne raclée, je suis sûr que ton petit emmerdeur foutra la paix à tous les enfants du quartier…
Jésula était une jeune paysanne de seize ans que la misère avait arrachée à ses parents dès l’âge de huit ans. Elle venait de La Pierre, ce misérable petit village planté au milieu des terres arides, sans arbres fruitiers, sans rivière d’eau douce, qui se trouvait au nord-ouest de la Cité de l’indépendance. À midi, les particules de poussière blanchâtre se détachaient dans l’air concentré pour se déployer sur la peau des villageois comme des étincelles échappées de la forge du vieux Sauveur. La chaleur qui se dégageait de la gorge de la terre offrait un avant-goût de ce que pouvait être effectivement l’enfer. On se demandait même si ce n’était pas l’endroit désigné par le Grand Architecte de l’univers pour établir le royaume de Lucifer entouré de ses acolytes. Les seins de Jésula ont poussé dans le quartier où moi-même je suis conçu… Elle a grandi dans la domesticité chez un cousin de sa mère, un nommé Oriol, qui réparait des horloges et des montres. Oriol vivait en concubinage avec une femme originaire de Canal Bois, une certaine Immacula. Le couple avait sept enfants en bas âge et habitait dans une maisonnette de deux pièces. Le soir, la chambre qui servait de salon et de salle à manger se transformait en dortoir. Immacula était marchande ambulante de tissu. C’est Jésula qui s’occupait de la marmaille durant son absence. Elle effectuait les douze travaux d’Héraclès, tous les jours, en moins de vingt quatre heures. Le visage de Jésula affichait, malgré tout, un sourire illuminant et gracieux. Sa peau fine et claire faisait jaser les adultes de son entourage. Les commères ont raconté qu’elle était la fille d’un « mulâtre » déclassé, un nommé Ferdinand Richepance, originaire de la Guadeloupe, qui avait aimé sa mère dans le lit asséché d’un ravin. Avec les années, Jésula était devenue la beauté hellénique de la rue Christophe, une jeune créature séduisante qui se mouvait dans un corps attirant, pétillant, presque parfait, un physique moulé qui conservait la démarche cadencée, vive, rapide et fière, héritée de la paysannerie authentique. Lorsqu’elle se déplaçait dans les rues caillouteuses pour aller faire des provisions au marché central des Gonaïves, les regards curieux des hommes suivaient sans détour le rythme syncopé de ses hanches. On aurait dit une danseuse latino-américaine fondue dans un décor somptueux qui s’étageait sur un support entraînant, sensuel, délirant…, orgasmique de tango, de yanvalou et de meringue. Oriol rageait de ne pas pouvoir offrir cette Aphrodite paysanne en sacrifice aux « loa » de son appétit sexuel… Et puis, c’en était trop. L’attente devenait pénible et douloureuse… Tellement pénible et douloureuse, que le prédateur, l’oiseau de proie, le carnassier, le « galapiat » avait décidé de franchir le cap de l’acte inconcevable et odieux. Une nuit où Immacula était allée rendre visite à sa vieille mère malade avec les enfants, le méchant loup a sauté sur la malheureuse brebis et l’a dévorée sans remords. Jésula a versé des larmes de sang sur la couche qui a supporté le crime. Cette nuit-là, Oriol ne se contrôlait plus. Il était, comme Caïn en face de son frère Abel, possédé par l’esprit de Cerbère, le chien à trois têtes avec une queue de dragon, gardien des lieux sinistres d’Érèbe. Totalement hors de lui, comme Tarquin le prince débauché et violeur de Tite-Live, il a menacé Jésula de l’étrangler, de découper son cadavre et de le jeter dans les eaux de la rivière La Quinte. « Je t’étoufferai avec l’oreiller si tu continues de te serrer les jambes et de t’agiter », déclarait-il avec une furie incontrôlée. Jésula le faisait pour résister à l’assaut du violeur ensorcelé. Mais au bout d’une demi-heure, prise de panique, ses forces l’ont trahie… La pucelle a cédé sous l’emprise du mâle enragé. Elle a vu son corps angélique se consumer dans les flammes du désir bestial de ce « Sextus Tarquin ». Après le forfait, le bourreau est parvenu à arracher de la bouche de sa « Lucrèce » l’aveu d’un silence perpétuel. Jésula venait tout juste d’avoir quinze ans, lorsque le malheur a forcé les portes intimes de son adolescence. Elle voulait, comme la fille de Spurius Lucretius, la vraie Lucrèce de l’histoire de la Rome antique en 509 av. J. – C., s’immoler avec un couteau sous les yeux impassibles de son agresseur farouche, mais elle pensait à sa pauvre mère infirme et se rétractait. Par la suite, l’horloger pestiféré multipliait les épisodes de méchanceté, répétait ses agissements délétères, pernicieux, diaboliques aussi souvent que l’occasion le lui avait permis… Immacula n’a jamais rien su de tout cela. La mère de Jésula, frappée de cécité, avait cessé longtemps déjà de venir prendre des nouvelles de sa fille. Cependant, la jeune victime avait fini par briser la loi de l’Omerta pour se confier à la vieille Clémence, une octogénaire à moitié impotente.
Un matin du premier mois de la période de floraison, Immacula a trouvé Oriol raide dans le lit, à côté d’elle. La rumeur laissait croire qu’il serait empoisonné par un mari vindicatif qu’il avait basculé dans le cocuage. Huit mois après le viol incestueux, Oriol est allé rendre des comptes au grand Manitou, pour adopter le langage des autochtones de l’Amérique.
« Puis, dis, lorsque j’aurai quitté
La terre et ta présence, hélas !
Mêle un peu ta prière au glas
M’annonçant dans l’éternité. »
(Paul Verlaine)
Mais elle, Jésula, contrairement à Philomène, la maîtresse de Verlaine, n’a pas trouvé la force de prier pour son « infernal ». La mort subite de l’abuseur amoral avait plutôt ramené la paix et la tranquillité dans son cœur contristé et dans son corps exploité.
Jésula a empoigné Mirana par les épaules et l’a tirée en arrière, avant même que le poing de l’enragée s’abattait sur mon corps frêle. Mirana a perdu l’équilibre. Elle s’est redressée rapidement et a giflé la jeune femme qui a riposté de manière foudroyante. La tigresse essoufflée se débattait comme le diable dans le bénitier sous les étreintes puissantes de Jésula. L’état de rotondité du corps de Mirana l’a menée bien vite à des conditions d’épuisement complet. C’est Antonia, la femme du boulanger, qui s’est précipitée sur les lieux de la bagarre pour séparer les deux belligérantes, sous les cris amusés des passants… L’affaire n’allait pas s’arrêter là…
Robert Lodimus
L’inconnu de Mer Frappée(Prochain extrait : chapitre VII, L’injustice)
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