L’année 2025 s’annonce déjà historique : avec des pertes assurées de 80 milliards de dollars au cours des six premiers mois — le deuxième montant le plus élevé jamais enregistré pour cette période depuis 1980 — et des pertes globales de 131 milliards de dollars, elle dépasse largement les moyennes à long terme. À l’échelle mondiale, les pertes assurées atteignent déjà 80 milliards de dollars, une première historique pour un premier semestre. Ce constat alarmant s’inscrit dans une tendance lourde : le changement climatique intensifie les phénomènes extrêmes, rendant les catastrophes naturelles plus fréquentes, plus destructrices — et coûteuses. Tour d’horizon avec Nancy Roc.
Des chiffres accablants et des événements qui explosent en coût et en fréquence
Les catastrophes naturelles n’ont jamais été aussi coûteuses. Aux États-Unis seulement, 2024 a compté pas moins de 27 événements météorologiques et climatiques à plus d’un milliard de dollars chacun¹. Cette tendance se confirme sur plusieurs décennies : de 1980 à 2024, on enregistre 402 de ces incidents, pour un total de 2,9 trillions de dollars de pertes et près de 17 000 morts². Dans le monde, selon la base de données EM-DAT, les catastrophes comptabilisées sont passées de environ 100 par an dans les années 1970 à 400 annuellement au cours des 20 dernières années³.
Toutefois, cette hausse reflète en partie une amélioration dans les systèmes de recensement et de communication — satellites, Internet, médias — qui laissent moins d’événements non rapportés. Néanmoins, lorsque l’on examine la fréquence des événements extrêmes documentés aujourd’hui, on constate une augmentation nette : neuf des dix années les plus catastrophiques en termes de catastrophes majeures se situent dans la dernière décennie ².
Changement climatique : un amplificateur d’événements extrêmes
Le lien entre réchauffement climatique et catastrophes devient de plus en plus clair. L’augmentation des gaz à effet de serre — CO₂, méthane et autres — piège la chaleur, ce qui entraîne des effets sur le cycle de l’eau, la montée des océans, et l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des événements extrêmes⁴.
- Pluies extrêmes et inondations : la vapeur d’eau atmosphérique est en hausse, créant des conditions propices à des précipitations violentes⁵.
- Ouragans et cyclones: on observe une intensification des tempêtes, une extension des zones d’impact, et une augmentation des phénomènes de « rapid intensification » — ces tempêtes atteignent rapidement une puissance destructrice, parfois juste avant l’atterrissage ⁶.
- Canicules et sécheresses : les records de chaleur se multiplient. Par exemple, la vague de chaleur de l’été 2024 et les feux en Europe du Sud (Espagne, Portugal) sont devenus respectivement 40 fois plus probables ou plus intenses à cause du changement climatique⁷.
Exemples récents à travers le monde
- Inde et moussons extrêmes (été 2025)
Le nord de l’Inde a subi des pluies diluviennes sans précédent qui ont causé au moins 90 morts, des glissements de terrain et l’inondation de zones entières. Le printemps, de plus en plus imprévisible, se manifeste par des rafales de pluie violentes suivies de longues sécheresses ⁹. Depuis 2024, l’Asie du Sud a enregistré 167 catastrophes majeures, faisant des milliards en pertes économiques ⁹. - Incendies en Ibérie
Les feux de forêt en Espagne et au Portugal de l’été 2025 ont été aggravés par une chaleur extrême, désormais 40 fois plus probable dans le climat actuel que dans l’ère préindustrielle ⁷. - Inondations au Brésil
Les crues dévastatrices dans le sud du Brésil ont été rendues deux fois plus probables par la combustion de combustibles fossiles et la déforestation ⁸.
L’action humaine: un facteur aggravant au-delà du climat
Au-delà du réchauffement planétaire, les choix humains aggravent la vulnérabilité face aux catastrophes naturelles.
- Urbanisation incontrôlée : la concentration de populations dans des zones côtières ou sujettes aux glissements de terrain accroît mécaniquement l’exposition aux risques. En Haïti, par exemple, la densité de Port-au-Prince dans des zones inondables amplifie les dégâts humains et matériels à chaque catastrophe.
- Déforestation et artificialisation des sols: la disparition des forêts tropicales en Amazonie, en Afrique centrale ou en Asie du Sud-Est et en Haïti réduit la capacité naturelle d’absorption des pluies et accentue les inondations ⁸.
- Infrastructures fragiles : routes mal construites, bâtiments non parasismiques, réseaux électriques vétustes aggravent les impacts. En 2023, le coût des catastrophes urbaines a été multiplié par sept entre les années 1970 et 2010, atteignant 330 milliards de dollars par an¹⁰.
- Modèle économique à risque : les investissements immobiliers ou industriels ignorent encore trop souvent les risques climatiques. Aux États-Unis, la norme ASTM E3429-24 vise à intégrer ces risques dans l’évaluation des actifs immobiliers, mais elle reste peu appliquée ¹¹.
- Mauvaise gouvernance et manque de prévention : malgré le Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe, adopté par 55 pays en 2015 et étendu à 123 en 2022, peu de gouvernements appliquent pleinement ses quatre priorités ¹².
En clair, si le climat joue le rôle de catalyseur, c’est bien l’action humaine qui transforme des aléas naturels en véritables catastrophes sociales et économiques.
Les catastrophes naturelles ne sont plus des événements isolés : elles se multiplient, s’intensifient, et notre responsabilité s’accroît. Le changement climatique, en plus d’instrumentaliser la vapeur d’eau, de réchauffer les océans et l’atmosphère, d’attiser les cyclones et d’irriguer les canicules, est aujourd’hui l’un des amplificateurs majeurs de ces crises. La pression humaine — urbanisation, exposition croissante, mauvaises infrastructures — accentue encore ces effets.
Pourtant, l’histoire n’est pas figée. Des initiatives concrètes existent — évaluations de résilience, cadres internationaux, politiques d’adaptation — afin de limiter les dégâts, sauver des vies et construire des territoires plus sûrs. Mais ces efforts doivent être massifs, concertés et urgents. Car il ne s’agit plus seulement d’anticiper demain, mais de survivre aujourd’hui dans un monde où la nature, déstabilisée, s’est mise à rugir.
Nancy Roc, le 6 septembre 2025
Journaliste indépendante forte de près de quarante ans de carrière, Nancy Roc est titulaire d’un baccalauréat en communication de l’Université d’Arizona (États-Unis) et d’une maîtrise en études relatives à l’environnement (ERE) de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Engagée depuis 2006 sur les enjeux liés aux changements climatiques, elle a consacré une partie importante de son parcours à leur analyse et à leur vulgarisation.
- NOAA : 27 événements météo/climat milliard-dollars en 2024 (source NOAA, 2025) — NCEI.
- 402 phénomènes catastrophiques (1980–2024), coût total 2,9 trillions USD — USAFacts.
- Disparité du reporting pré-2000, explosion des événements rapportés, EM-DAT — Our World in Data.
- Gaz à effet de serre → intensification des extrêmes — NASA Science, IPCC.
- Vapeur d’eau accrue → tempêtes plus puissantes — USGS, Zurich.
- Ouragans : intensification rapide, extension géographique — Wikipedia.
- Incendies en Ibérie : événements 40 fois plus probables à cause du climat — Reuters, AP News.
- Inondations au Brésil : deux fois plus probables du fait du changement climatique et déforestation — The Guardian.
- Inondations et glissements en Inde, moussons extrêmes 2025, 167 catastrophes en Asie du Sud en 2024 — AP News.
- Perte économique globale due aux événements climatiques : +7x entre 1970s et 2010s, 330 milliards USD/an (2015–2021) — Wikipedia.
- Norme ASTM E3429-24 pour intégrer risques climatiques dans l’immobilier — Reuters.
- Sendai Framework DRR : 55 → 123 pays stratégiques (2015 à 2022), quatre priorités — Wikipedia.
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Via Juno 7
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