Haïti – 1994-2025 : un écho d’ultimatums et d’impasses
L’Edito du Rezo
Le 15 septembre 1994, le président américain Bill Clinton annonçait publiquement que l’armée haïtienne n’avait plus le choix : céder le pouvoir ou subir une intervention militaire. Trois ans après le coup d’État qui avait renversé Jean-Bertrand Aristide, Washington assumait de passer de la diplomatie aux menaces. L’ultimatum fut clair, et sa mise en œuvre rapide. Quatre jours plus tard, les soldats américains entraient dans Port-au-Prince sans combat, organisant le départ de Raoul Cédras et le retour du président élu.
Cet épisode demeure une scène fondatrice de l’histoire politique contemporaine d’Haïti : l’expression brute du poids américain dans une transition démocratique que le pays, seul, ne parvenait pas à conduire. La logique de l’ingérence était assumée au nom de la démocratie, de la stabilité régionale et de la gestion des flux migratoires. Les images de Clinton, puis de Carter et Powell négociant en urgence, restent gravées comme celles d’un pays tenu sous la pression extérieure.
Trente ans plus tard, Haïti se retrouve face à une impasse d’une autre nature. Le Conseil présidentiel de transition (CPT), mis en place après l’effondrement institutionnel de 2024, tente de prolonger son mandat au-delà du 7 février 2026, sans élection en vue et sans contrôle parlementaire. Dans ce vide, la violence des gangs dicte la vie quotidienne, et les appels à une intervention internationale refont surface. Les débats se déplacent des salons diplomatiques de Washington aux corridors de l’ONU et aux chancelleries régionales, mais la question reste identique : qui peut, et doit, stabiliser Haïti ?
Le parallèle entre 1994 et 2025 souligne une constante douloureuse : la fragilité d’un État incapable d’assurer seul la continuité de son ordre politique. Mais il révèle aussi une différence majeure. En 1994, il s’agissait de rétablir un président élu, dont la légitimité n’était pas contestée. En 2025, le CPT, fruit d’un compromis ti zanmi koken apatrid sans mandat populaire, ne dispose pas de cette assise démocratique. Dès lors, toute intervention risque d’apparaître non comme un appui à la souveraineté nationale, mais comme la caution d’un pouvoir transitoire contesté.
La mémoire de l’ultimatum de Clinton plane encore sur la scène haïtienne. Elle rappelle que chaque recours à la force extérieure impose un prix historique et politique durable. Mais elle interroge aussi le présent : sans institutions légitimes, sans élections crédibles, et face à l’implosion sécuritaire, Haïti peut-il réellement éviter que l’histoire de 1994 ne se rejoue, sous d’autres formes et avec d’autres acteurs, des fils de Conze ?

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Via Rezo Nòdwès
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